Nous commencerons par une découverte récente, puis parcourrons de nombreux autres exemples avec photos de populations basées sur les glucides, avant de nous pencher sur notre ADN. Les sources sont référencées en bas de page.
Une autre société de mangeurs de plantes a été découverte en janvier 2024
Soro Mik’aya Pajtxa et Wilamaya Pajjxa convergent pour indiquer que les plantes en C3, probablement des tubercules sauvages, constituaient la composante principale du régime alimentaire des premiers fourrageurs de l’Altiplano andin et que la viande, y compris la vigogne et le taruca, jouait un rôle secondaire.[1]
Les archéologues croyaient auparavant que nos ancêtres étaient des chasseurs-cueilleurs, en insistant sur leur rôle de chasseur. Ils étaient confus par les restes d’os d’animaux qu’ils retrouvaient sur les sites archéologiques. Or, les os se conservent pendant des siècles, mais les feuilles de maïs disparaissent rapidement. De nos jours, les archéologues, étudient le microbiome via les selles, le tartre dentaire, les outils et les villages.
Amidons cuits (rhizomes) en Afrique il y a 170 000 ans
Les rhizomes d’hypoxie (appelée étoile jaune, ci-dessous) sont riches en glucides et ont une valeur énergétique d’environ 500 KJ/100g.[2] Un rhizome est une tige souterraine qui stocke des réserves nutritives.
Les Hommes de Néandertal aimaient les féculents il y a 600 000 ans
Les Néandertaliens mangeaient beaucoup de glucides, ce qui a contribué à la croissance de leur gros cerveau.
Les résultats d’analyse 124 échantillons de plaque dentaire de leurs dents suggèrent que nos ancêtres s’étaient adaptés à une alimentation riche en féculents il y a au moins 600 000 ans, c’est-à-dire à peu près à l’époque où ils avaient besoin de davantage de sucres pour alimenter une forte expansion de leur cerveau.[3]
Des mangeurs de pomme de terre il y a 14 000 ans
La tourbière du site archéologique de Monte Verte a fourni les plus anciens échantillons enregistrés d’espèces de pommes de terre sauvages ou cultivées actuellement connues. 45 espèces comestibles de plantes, incluant des pommes de terre, champignons, graines de joncs, baies, noix et fruits sauvages. 22 espèces de plantes médicinales.[4]
Même de nos jours au Pérou, la pomme de terre prévaut
L’humble pomme de terre il y a plus de 10 000 ans sur les rives du lac Titicaca, de nos jours au Pérou.
Le chuño se conserve 10 ans dans un local sec et fermé. Le chuño, appelé aussi moraya ou tunta, est une spécialité des Andes centrales produite par la déshydratation de pommes de terre par un cycle d’expositions au soleil et au gel et de foulages. À chaque cycle les tubercules perdent de l’eau.
Les Incas apportaient du quinoa aux batailles, en raison du poids des pommes de terre.
De l’amidon trouvé dans des vestiges dentaires il y a 8 000 ans
Des particules de courge, de haricots (communs de Lima), de cacahuètes et de céréales ont été retrouvés sur les dents des habitants des pentes occidentales tropicales des Andes péruviennes (sociétés Ñanchoc).[5]
Otzi, l’homme des glaces il y a 5 000 ans
Otzi est une momie glacière datant de l’âge du cuivre. Il a été tué puis a été préservé dans la glace. Une tête de flèche a été retrouvée dans son épaule et il présentait d’autres blessures. C’était dans les Alpes tyroliennes à la frontière entre l’Italie et l’Autriche. Il est au musée archéologique du Tyrol du Sud. Il avait 46 ans. Ses cheveux ont été analysés et leur composition chimique suggère qu’il était principalement végétarien, voire végétalien, c’est-à-dire qu’il mangeait peu ou pas de viande ou de lait.[6]
L’Europe du Nord il y a 3 000 ans
L’homme de Tollund avait entre 30 et 40 ans quand il est mort vers 405-380 avant J.-C., au début de l’âge de fer danois. Les analyses de ses intestins montrent qu’il a mangé une bouillie composée de 85% d’orge (335 g), de 9% d’herbe de saule pâle (29 g) et de 5% de lin (16 g).[7]
Les corps placés dans des tourbières se sont naturellement momifiés, ce qui a préservé la peau, les cheveux, les ongles et parfois les intestins.
Les Polynésiens (Hawaïens) prospéraient grâce au taro il y a 1 500 ans
Les aliments de base des Hawaïens étaient le taro (préparé en poï), le fruit à pain, la patate douce, les bananes, les feuilles de taro et d’autres légumes feuillus. Les cochons étaient élevés pour des sacrifices religieux. Puis, au XIXe siècle, les missionnaires ont apporté à Hawaï les poulets, les porcs et les chiens en tant que nourriture.[8]
Les anciennes pommes de terre consommées par les Autochtones américains
Des granules de pomme de terre ont été retrouvés sur des outils datant de 10 000 à 11 000 ans.
Les images ci-dessous proviennent d’une étude montrant des traces de granules d’amidon, indiquant la consommation la plus précoce des pommes de terre en Amérique du Nord.[9] Il s’agit de Solanum jamesii (à gauche), des tubercules produits par un seul individu après une saison de végétation (au centre) et un tubercule à l’extrémité d’un stolon (à droite).
Ci-dessous à gauche, une pièce de 1 $ représentant des Amérindiens cultivant des pommes de terre. À droite, la région des « Quatre Coins » au Sud des États-Unis était le lieu d’origine de Solanum jamesii, qui est une espèce de plantes herbacées tubéreuses de la famille des Solanaceae, où vivaient les peuples Apaches, Dinés (Navajos) et Pueblo tels que les Hopis et les Zunis.
Les guerriers sont mieux nourris avec les féculents
Les hommes et les femmes dont l’alimentation se base sur les céréales, les légumes et les fruits ont accompli tous les grands exploits de l’histoire. Les anciens conquérants de l’Europe et de l’Asie, dont les armées d’Alexandre le Grand (de 356 à 323 avant J.-C.) et de Gengis Khan (de 1162 à 1227 après J.-C.), avaient une alimentation à base de féculents. Les légions de César se plaignaient d’avoir trop de viande dans leur alimentation et préféraient se battre avec des céréales.[10] Ces guerriers ont conquis le monde connu, en se nourrissant de féculents (riz, blé, etc.). Quant aux gladiateurs, ils avaient une alimentation basée sur l’orge et les légumineuses.[11]
Le riz est la source calorique principale de l’Asie depuis 10 000 ans
Patates douces dans les Hautes-Terres de la Papouasie-Nouvelle-Guinée
« Dans le but de clarifier l’énigme nutritionnelle de la santé physique des montagnards de Papouasie-Nouvelle-Guinée qui ont un régime déficient en protéines composé principalement de patates douces, une étude pilote a été réalisée avec 10 volontaires habitant les montagnes de Papouasie-Nouvelle-Guinée… » Les constats de cette étude[12] sont les suivants.
Les patates douces constituent 90 % l’alimentation de ce peuple. Les protides représentent seulement 3 à 6 % de leur apport calorique. Un homme consomme 25 grammes de protides et une femme 20 grammes. Chaque jour, ils mangent 2 390 kilocalories. Ces habitants ont une alimentation très riche en glucides. Les glucides représentent 94,6 % de leur apport calorique.
Ils étaient tous en excellente santé. Leur cholestérol était de 153 mg/dl. Leur tolérance du glucose était élevée. Leur niveau de triglycérides était de 142 mg/100 ml. Leurs niveaux d’acide urique sérique n’étaient pas élevés. Aucun diabète ni goutte n’ont été trouvés. La prévalence de maladies cardiovasculaires était basse. L’hypertension était rare. La cardiopathie ischémique était rare, voire absente (électrocardiogramme). Le fumage de la pipe était commun.
Le maïs a alimenté des civilisations d’Amérique pendant 7 000 ans
Le maïs est consomme en Amérique du Nord, en Amérique Centrale et en Amérique du Sud depuis 7 000 ans. Les Aztèques et les Mayas ont existé pendant 9 000 ans et basaient leur alimentation sur le maïs.
Les féculents sont au centre de l’alimentation humaine d’après Nathaniel Dominy
Dans cette vidéo, Nathaniel Dominy, professeur agrégé d’anthropologie à Dartmouth, parle de ses recherches et explique pourquoi il pense que le véritable régime alimentaire de l’homme est basé sur les féculents. Elle est en anglais, mais vous pouvez activer le sous-titres automatiquement traduis en français dans les paramètres.
L’amylase est une enzyme présente dans le suc pancréatique et la salive. Lors de la digestion, elle dégrade les grandes molécules d’amidon en molécules plus petites, afin qu’elles puissent être métabolisées.
Conclusion : mangez des féculents !
Toutes les grandes populations dans l’Histoire mangeaient principalement des féculents : maïs, riz, pommes de terre, etc. Du moins, jusqu’à ce qu’elles deviennent riches et aient la mauvaise idée de commencer à manger davantage de graisses, ce qui les a rendues de plus en plus malades.
Notre ADN est formel : nous sommes des grands mangeurs de glucides
Sur la base de notre anatomie et de notre physiologie, les experts ont depuis longtemps conclu que les primates, y compris les êtres humains, sont conçus pour avoir un régime alimentaire composé essentiellement de végétaux. Le régime naturel des chimpanzés, notre plus proche parent, est presque entièrement végétarien ; il est composé en grande partie de fruits et, pendant les saisons sèches où les fruits sont rares, ils mangent des graines d’arbres, des fleurs, de la moelle tendre et de l’écorce ; les termites et les petits mammifères contribuent de manière insignifiante à leur alimentation tout au long de l’année.
Récemment, des scientifiques ont prouvé, grâce à des tests génétiques, que nous sommes conçus pour nous développer au mieux avec une catégorie d’aliments végétaux, les féculents. L’ADN de l’homme et du chimpanzé est identique à 99 % environ, mais cette différence de 1 %, qui comprend des gènes permettant de digérer beaucoup plus d’amidon, s’est avérée cruciale pour l’évolution des premiers ancêtres de l’humanité. L’examen du nombre de copies du gène de la synthèse de l’amylase, l’enzyme qui digère l’amidon, a révélé une moyenne de 6 copies chez l’homme, contre seulement 2 copies de ce gène chez les autres primates.[13] Cette différence génétique entraîne la production de niveaux 6 à 8 fois plus élevés d’enzymes digérant l’amidon dans la salive humaine. La capacité limitée des chimpanzés et d’autres membres de la famille des grands singes à utiliser l’amidon a lié leur espèce aux jungles tropicales où les fruits sont abondants tout au long de l’année.
Les féculents constituaient une source alimentaire essentielle pour les ancêtres des premiers hommes et des hommes modernes. La capacité à utiliser efficacement l’amidon nous a permis de migrer hors d’Afrique et de coloniser le reste de la planète (dans des endroits où les fruits ne sont abondants qu’en été et en automne). Les tubercules et les céréales remplis d’amidon servent d’unités de stockage pour des calories concentrées qui durent tout l’hiver, sont largement distribués géographiquement et sont faciles à récolter. Ces calories abondantes ont également fourni l’énergie supplémentaire nécessaire pour que le cerveau passe de la taille du singe à celle de l’homme (une différence de trois fois).[14]
Conclusion
Six aliments ont principalement alimenté la civilisation humaine en tant que moteurs caloriques : l’orge, le maïs, le millet, les pommes de terre, le riz et le blé.
Féculents consommés dans l’histoire
Orge – Moyen-Orient depuis 11 000 ans
Maïs – Amérique du Nord, centrale et du Sud depuis 7 000 ans
Légumineuses – Amériques, Asie et Europe depuis 6 000 ans
Millet – Afrique depuis 6 000 ans
Avoine – Moyen-Orient depuis 11 000 ans
Pommes de terre – Amérique du Sud (Andes) depuis 13 000 ans
Sorgho – Afrique de l’Est depuis 6 000 ans
Patates douces – Amérique du Sud et Caraïbes depuis 5 000 ans
Riz – Asie depuis plus de 10 000 ans
Seigle – Asie depuis 5 000 ans
Blé – Proche-Orient depuis 10 000 ans
Références :
[1]. Chen JC, Aldenderfer MS, Eerkens JW, Langlie BS, Viviano Llave C, Watson JT, Haas R. Stable isotope chemistry reveals plant-dominant diet among early foragers on the Andean Altiplano, 9.0-6.5 cal. ka. PLoS One. 2024 Jan 24;19(1):e0296420. doi : 10.1371/journal.pone.0296420. PMID: 38265974; PMCID: PMC10807835.
[2]. Wadley L, Backwell L, d’Errico F, Sievers C. Cooked starchy rhizomes in Africa 170 thousand years ago. Science. 2020;367(6473):87-91. doi : 10.1126/science.aaz5926
[3]. Henry AG, Brooks AS, Piperno DR. Microfossils in calculus demonstrate consumption of plants and cooked foods in Neanderthal diets (Shanidar III, Iraq; Spy I and II, Belgium). Proc Natl Acad Sci U S A. 2011;108(2):486-491. doi : 10.1073/pnas.1016868108
[4]. Ugent, D., Dillehay, T. & Ramirez, C. Potato remains from a late pleistocene settlement in southcentral Chile. Econ Bot 41, 17–27 (1987). doi : 10.1007/BF02859340
Moreno K, Bostelmann JE, Macías C, Navarro-Harris X, De Pol-Holz R, Pino M. A late Pleistocene human footprint from the Pilauco archaeological site, northern Patagonia, Chile. PLoS One. 2019;14(4):e0213572. Published 2019 Apr 24. doi : 10.1371/journal.pone.0213572
[5]. Piperno DR, Dillehay TD. Starch grains on human teeth reveal early broad crop diet in northern Peru. Proc Natl Acad Sci U S A. 2008;105(50):19622-19627. Réf. doi : 10.1073/pnas.0808752105
[6]. S. A. Macko, G. Lubec, M. Teschler-Nicola, V. Andrusevich, M. H. Engel. The Ice Man’s diet as reflected by the stable nitrogen and carbon isotopic composition of his hair. FASEB Journal 13, 559–562;1999. First published: 01 March 1999. doi : 10.1096/fasebj.13.3.559
[7]. Nielsen NH, Henriksen PS, Mortensen MF, et al. The last meal of Tollund Man: new analyses of his gut content. Antiquity. 2021;95(383):1195-1212. doi : 10.15184/aqy.2021.98
[8]. Helmkampf M, Wolfgruber TK, Bellinger MR, et al. Phylogenetic Relationships, Breeding Implications, and Cultivation History of Hawaiian Taro (Colocasia Esculenta) Through Genome-Wide SNP Genotyping. J Hered. 2018;109(3):272-282. doi : 10.1093/jhered/esx070
[9]. Louderback LA, Pavlik BM. Starch granule evidence for the earliest potato use in North America. Proc Natl Acad Sci U S A. 2017;114(29):7606-7610. doi : 10.1073/pnas.1705540114
[10]. Durant, Will. History of Civilization, Vol III. Caesar and Christ. Simon and Schuster, New York, 1944.
[11]. Andrew Curry. The Gladiator Diet. Archaeology, archive, abstracts. Volume 61 Number 6, November/December 2008. https://archive.archaeology.org/0811/abstracts/gladiator.html
[12]. Tanaka N, Kubo K, Shiraki K, Koishi H, Yoshimura H. A pilot study on protein metabolism in the Papua New Guinea highlanders. J Nutr Sci Vitaminol (Tokyo). 1980;26(3):247-259. doi : 10.3177/jnsv.26.247
[13]. Perry GH, Dominy NJ, Claw KG, Lee AS, et al. Diet and the evolution of human amylase gene copy number variation. Nat Genet. 2007 Oct;39(10):1256-60. doi: 10.1038/ng2123
[14]. Article « Study Finds Evidence of Genetic Response to Diet » dans The New York Times http://www.nytimes.com/2007/09/10/science/10starch.html?ref=science