Les centenaires et les femmes qui accouchent à 65 ans de Hunza

Quelle a été l’alimentation de ce peuple en bonne santé vivant en autarcie dans des montagnes au nord du Pakistan ? Réponse dans cet article.

Ceux qui s’intéressent au développement durable, à l’environnement, à l’alimentation et à la santé ne pourront que se réjouir de découvrir ou de redécouvrir les Hunzas, grâce à ce texte d’Hélène Laberge, qui est la refonte d’un court article paru dans le numéro 13 de la revue Critère, en 1975.

« Le peuple hunza a été obligé d’adopter un type d’agriculture plus près du jardinage que de l’exploitation agricole avec comme résultat des récoltes de fruits et de légumes d’une qualité telle qu’aucune autre forme de culture ne saurait obtenir. C’est la récompense qu’ils reçoivent pour la façon dont ils retournent intégralement au sol tout ce qu’ils en ont tiré. »

La nourriture que consomment les Hunzakuts a fait l’objet de nombreuses recherches.

Ils vivent en totale et parfaite autarcie et tirent toute leur subsistance de leurs produits agricoles, de leurs animaux et de quelques plantes sauvages. Ils cultivent principalement les arbres fruitiers dont les fameux abricotiers, qui assurent la base de leur alimentation. Également, les pommiers, les poiriers, les noyers ainsi que quelques vignes. Ils sèment des céréales: sarrasin, orge, mil et luzerne mais surtout le blé, avec lequel ils fabriquent le pain sans levain, le chappati. Comme ils ne font pas de réserves de farine, les grains qu’ils utilisent sont moulus sur pierre au jour le jour.

Tobe a aussi visité des moulins à farine plus importants, destinés à tous les habitants d’un village. Les résidus servent à nourrir les animaux et à fertiliser les sols. Quant à leurs légumes, ils sont analogues aux nôtres: carotte, chou épinard, chou-fleur, pois, tomate, radis, pomme de terre, navet, haricot, oignon, citrouille, melon. Un autre trait important, c’est que leurs arbres fruitiers sont exempts de maladies et d’insectes et que, par conséquent, bon an, mal an, les fermiers sont assurés d’une production sinon toujours abondante du moins constante.

Les abricots forment l’essentiel de la nourriture des Hunzas ; les voyageurs ont tous décrit leur émerveillement devant ces terrasses où les fruits mis à sécher au soleil forment de grandes nappes de couleur orangée. Ils font aussi de l’élevage: ils ont surtout des vaches, des chèvres et des yaks. Le lait de ces animaux est converti en beurre, un beurre qui ressemble plutôt à un fromage qui a la particularité de se conserver pendant des mois, sinon des années, grâce à un procédé de conservation rustique et efficace: enveloppé d’écorces de bouleaux, il est réfrigéré dans les eaux froides en provenance des glaciers. Ils clarifient également ce beurre à qui ils donnent le nom de ghee en le chauffant un peu et le consomment sur leurs chappatis. Leurs terres ne sont pas assez abondantes pour leur permettre un élevage intensif. Ils consomment donc peu de viande, et seulement au cours de leur hiver rigoureux.

L’alimentation des Hunzas

Une alimentation frugale et pratiquement dénuée de protéines animales nourrit ce peuple musulman depuis des siècles. Les enfants accompagnent les parents et sont initiés dès leur jeune âge au travail de la terre. Les repas sont peu abondants et fréquents. Le déjeuner consiste en un bol d’abricots frais ou bouillis avec des céréales et accompagné de chappatis. Vers 10 heures, même régime auquel s’ajoutent des légumes frais ou bouillis. Le chef de famille a droit à 2 chappatis, les autres membres de la famille à un seul. Entre 13 heures et 14 heures, autre repas constitué cette fois d’abricots secs attendris dans de l’eau l’hiver, ou d’abricots frais l’été. Et enfin, entre 17 et 19 heures, un repas plus substantiel comprend, outre les chappatis, des légumes et en saison, des fruits variés, prunes, pêches, poires, pommes ou abricots frais. Ils tirent des amandes de l’abricot une huile qu’ils utilisent de nombreuses façons, pour frire certains mets, s’éclairer, protéger leur peau et leurs cheveux, etc.

Ils ne consomment pratiquement pas de viande, sauf pendant le mois de décembre, au cours duquel ils tuent un ou deux moutons. C’est pendant ce mois d’hiver qu’ils boivent, bien que musulmans, un vin fabriqué à partir des mûres, une tradition qui se perd dans la nuit des temps.

Évaluation calorique

Chez les Hunzas, d’après les études faites par des médecins pakistanais, les adultes mâles consomment environ 1900 calories par jour, soit 50 grammes de protéines, 36 grammes de lipides et 354 grammes de glucides. Les protéines et les lipides sont essentiellement d’origine végétale. Les glucides qu’ils consomment proviennent des fruits, des légumes et des céréales (Dr Alexander Leaf, National Geographic, janvier 1973).

Leur santé

Le docteur McCarrison ne s’est pas contenté de décrire les Hunzas comme une race « inégalée en ce qui concerne la perfection physique et l’absence de maladies en général », il a dressé la liste des maladies dont ils étaient exempts : cancer, ulcère gastrique ou duodénal, appendicite, colique. Il a remarqué qu’ils n’ont pas de sensibilité de l’abdomen aux impressions des nerfs, à la fatigue, à l’anxiété, au froid. Ils ont, poursuit-il, « une santé abdominale parfaite contrastant avec celle de nos colonies hautement civilisées ».

Cinquante ans plus tard, en 1960, Tobe, en visite chez les Hunzas, compléta cette liste d’après le témoignage d’un autre médecin, allemand cette fois, qui déclara n’avoir relevé aucun cas de calculs biliaires ou rénaux, de maladies coronariennes, d’hypertension, de lésions valvulaires, de déficience mentale, de polio, d’arthrite, d’obésité, de diabète et d’insuffisance thyroïdienne.

Tobe déclare aussi n’avoir jamais rencontré une personne handicapée dans les villages visités. Enfin, le Dr Alexander Leaf, en examinant quelques vieillards, a toutefois remarqué la présence d’infarctus du myocarde et de toutes sortes de maladies cardio-vasculaires, mais qui étaient restées inaperçues du patient.

Ce portrait idyllique de la santé des Hunzakuts est-il un portrait embelli ? Est-il exact qu’ils soient exempts de toutes les maladies ?

Les visiteurs récents redoutent pour eux le contact avec le monde extérieur dont ils étaient préservés jusqu’à maintenant par leur situation géographique et… leur forte identité. D’après leurs témoignages, les Hunzas restent pour le moment fidèles à leur alimentation, mais ils ont remplacé l’huile d’abricot par de la margarine et le sel brut par du sel raffiné qu’ils importent.

Depuis ce changement, on constate chez les jeunes des cas de carie dentaire et surtout de goitre. Il semble qu’en remplaçant le sel brut fourni par les minerais de la montagne et contenant des sels minéraux divers, les Hunzas se sont privés d’une source d’iode qui les avait maintenus jusque-là à l’abri des maladies thyroïdiennes.

Ce sel provenait d’une région, le Shimshal, où les Hunzas le recueillaient depuis des centaines d’années. Mais à son état naturel, il contenait beaucoup d’impuretés et était moins savoureux que le sel raffiné. Si pour le moment les Hunzas sont exempts des maladies attribuées à la civilisation, ils sont sujets à des infections de la peau, des fièvres, et de la dysenterie, cette dernière étant peut-être attribuable, suggère Tobe, à la présence des minéraux contenus dans l’eau qu’ils consomment, mais sans qu’il ait pu le vérifier.

Ils ne sont pas exempts non plus de la mortalité infantile. Ils souffrent, vers la fin de leur vie, de troubles pulmonaires, particulièrement les femmes âgées, et de maladies oculaires causées dans leurs maisons par la fumée des feux ouverts qui s’échappent par des trous de forme carrée dans leur toit, car ils ignorent les feux fermés. Par contre, des oculistes ont constaté que les Hunzakuts qu’ils ont pu examiner jouissent tous d’une vision parfaite.

Longévité

Les Hunzakuts sont renommés pour leur longévité. Faute d’archives, il n’est pratiquement pas possible de dénombrer la quantité exacte de vieillards et leur âge. En revanche, dans un des villages où il a passé plusieurs semaines, Tobe a dénombré 12 hommes de plus de cent ans et 100 de plus de quatre-vingt-dix. Ces vieillards ont une vie sexuelle active bien au-delà de 75 ans comme en font foi les enfants issus de remariages tardifs. Ils mènent une vie normale, s’occupant de leurs cultures et parcourant de longues distances sur leurs pistes de montagne.

On a attribué la santé et la longévité des Hunzakuts à leur alimentation et à la richesse minérale de leur eau. Mais dans l’étude passionnante qu’il leur consacre, Tobe qui a de la santé une conception toute hippocratique, à savoir que la santé est le résultat d’un harmonieux équilibre de vie, a aussi porté une extrême attention à tous les autres facteurs de l’existence des Hunzas, au climat, à l’altitude, à l’agilité et à l’endurance qu’ils ont dû développer pour survivre dans ce pays où la concentration de montagnes est la plus importante du monde.

Les Hunzas utilisent pour traverser leur rivière ou des précipices d’une grande profondeur ces ponts de corde propres aux pays montagneux. Même les femmes traversent ces ponts extrêmement instables (une terrible épreuve pour les explorateurs étrangers qui s’y sont aventurés), en portant un enfant dans leurs bras, avec une légèreté et une aisance impressionnantes. Il faut souligner que les enfants sont habitués très tôt à circuler pieds nus.

Les témoignages sur l’endurance des Hunzas de tous âges abondent. Jean et Franc Shor (5), reporters au National Geographic Magazine, citent le cas, qui n’est pas exceptionnel, disent-ils, d’un Bourousho de 78 ans qu’ils ont vu parcourir 65 milles en 24 heures sur des pistes de montagne très périlleuses. En d’autres circonstances, Franc Shor a participé à une chasse aux moutons qui a conduit les chasseurs à 4572 mètres d’altitude sur des sentiers abrupts où ils se déplaçaient trois fois plus vite que lui et sans montrer la moindre trace de fatigue. Enfin, lorsque des Hunzas se trouvent parmi les porteurs au cours d’une expédition, ils se démarquent des autres par leur extraordinaire endurance et le rythme rapide de leur ascension.

Maternité

En ce qui a trait aux femmes, Tobe a recueilli des témoignages prouvant qu’elles accouchent avec beaucoup de facilité. Elles s’abstiennent de tout travail dur pendant les premiers temps de la grossesse mais reprennent un rythme de travail constant au champ avec le reste de la famille jusqu’à l’accouchement, car une croyance populaire veut que plus la femme enceinte travaille fort, mieux se déroule l’accouchement et en meilleure santé se trouve le nouveau-né. La mère retourne travailler la terre peu de temps après l’accouchement. Les enfants sont nourris au sein pendant près de trois ans, s’il s’agit de garçons, deux ans si c’est une fille.

Organisation sociale

À l’époque où il était le chef religieux et politique des Hunzakuts, le Mir fit remarquer à des visiteurs occidentaux (les Shor) qu’il avait eu très peur lorsqu’un Hunza avait cru découvrir une mine d’or. Comme ils s’étonnaient de cette réaction, le Mir poursuivit:

« C’eût été la fin des Hunzas et de leur way of life. On nous laisse tranquilles parce que nous ne possédons rien qui fasse envie aux autres. Si nous étions riches, n’importe quel pays trouverait un prétexte pour nous envahir afin de nous ‘protéger’. »

Il faut savoir que ce peuple ne connaît aucune des structures qui semblent aller de soi dans les autres pays: il n’existe aucune forme d’administration; pas d’impôt à payer, pas de système de santé, pas d’assurance, pas d’argent.

Qu’en est-il depuis que les Hunzas sont maintenant administrés par le gouvernement du Pakistan de l’Ouest ? Les jeunes Hunzakuts quittent leur région pour s’engager dans l’armée pakistanaise. Alors que dans les années 1960, les étrangers n’étaient admis à visiter la vallée que par une invitation personnelle du Mir, les restrictions ont été adoucies; avec la construction de la route Karakoram, les Occidentaux ont maintenant accès aux villages hunzas. Et la résidence du Mir disparu a été convertie en hôtel. Ils avaient été jusqu’à tout récemment gouvernés par ce Mir, sorte de roi dont la dynastie remontait à six cents ans. Maintenant décédé, ce Mir avec qui Tobe avait lié amitié, était assisté d’un Conseil d’Anciens, composé de douze personnes, dont la moitié était recrutée parmi les vieillards du royaume, ce qui représentait une moyenne d’âge de 80 ans et plus.

La principale richesse des Hunzas étant la terre, une loi stipule qu’elle ne peut être transmise qu’au fils. Par contre, la fille peut hériter d’autres biens et recevoir en dot un arbre fruitier du verger de ses parents. Cet arbre lui appartient toute sa vie: elle l’entretient et en cueille les fruits. Bien que les Hunzas soient de religion musulmane, leurs femmes ne sont pas voilées. Elles sont libres d’aller et venir et ont part aux décisions du ménage au même titre que leur mari. Les parents choisissent le conjoint dans une des tribus hunzas (les mariages entre proches sont interdits) mais l’enfant a le droit de s’opposer à leur choix. Le divorce est rarissime.

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About doucefrugalite

Créatrice du site DouceFrugalite.com et coach en mode de vie sain avec une alimentation végétalienne HCLF
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